Heredia y Girard III

José María de Heredia y Girard
(1842-1905)

A Claudius Popelin

Dans le cadre de plomb des fragiles verrières,
les maîtres d’autrefois ont peint de hauts barons
et, de leurs doigts pieux tournant leurs chaperons,
ployé l’humble genou des bourgeois en prières.

D’autres sur le vélin jauni des bréviaires
enluminaient des Saints parmi de beaux fleurons,
ou laissaient rutiler, en traits souples et prompts,
les arabesques d’or au ventre des aiguières.

Aujourd’hui Claudius, leur fils et leur rival,
faisant revivre en lui ces ouvriers sublimes,
a fixé son génie au solide métal;

c’est pourquoi j’ai voulu, sous l’émail de mes rimes,
faire autour de son front glorieux verdoyer,
pour les âges futurs, l’héroïque laurier.

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Le tepidarium

(Escrito en relación a la obra de Théodore Chassériau)

La myrrhe a parfumé leurs membres assouplis;
elles rêvent, goûtant la tiédeur de décembre,
et le brasier de bronze illuminant la chambre
jette la flamme et l’ombre à leurs beaux fronts pâlis.

Aux coussins de byssus, dans la pourpre des lits,
sans bruit, parfois un corps de marbre rose ou d’ambre
ou se soulève à peine ou s’allonge ou se cambre;
le lin voluptueux dessine de longs plis.

Sentant à sa chair nue errer l’ardent effluve,
une femme d’Asie, au milieu de l’étuve,
tord ses bras énervés en un ennui serein;

et le pâle troupeau des filles d’Ausonie
s’enivre de la riche et sauvage harmonie
des noirs cheveux roulant sur un torse d’airain.

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Le récif de corail

Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
éclaire la forêt des coraux abyssins
qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
la bête épanouie et la vivante flore.

Et tout ce que le sel ou l’iode colore,
mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
le fond vermiculé du pâle madrépore.

De sa splendide écaille éteignant les émaux,
un grand poisson navigue à travers les rameaux;
dans l’ombre transparente indolemment il rôde;

et, brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu
il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.

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Mer montante

Le soleil semble un phare à feux fixes et blancs.
Du Raz jusqu’à Penmarc’h la côte entière fume,
et seuls, contre le vent qui rebrousse leur plume,
à travers la tempête errent les goëlands.

L’une après l’autre, avec de furieux élans,
les lames glauques sous leur crinière d’écume,
dans un tonnerre sourd s’éparpillant en brume,
empanachent au loin les récifs ruisselants.

Et j’ai laissé courir le flot de ma pensée,
rêves, espoirs, regrets de force dépensée,
sans qu’il en reste rien qu’un souvenir amer.

L’Océan m’a parlé d’une voix fraternelle,
car la même clameur que pousse encor la mer
monte de l’homme aux Dieux, vainement éternelle.

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