Heredia y Girard II

José María de Heredia y Girard
(1842-1905)

Antoine et Cléopâtre

Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
l’Égypte s’endormir sous un ciel étouffant
et le Fleuve, à travers le Delta noir qu’il fend,
vers Bubaste ou Saïs rouler son onde grasse.

Et le Romain sentait sous la lourde cuirasse,
soldat captif berçant le sommeil d’un enfant,
ployer et défaillir sur son coeur triomphant
le corps voluptueux que son étreinte embrasse.

Tournant sa tête pâle entre ses cheveux bruns
vers celui qu’enivraient d’invincibles parfums,
elle tendit sa bouche et ses prunelles claires;

et sur elle courbé, l’ardent Imperator
vit dans ses larges yeux étoilés de points d’or
toute une mer immense où fuyaient des galères.

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Après Cannes

Un des consuls tué, l’autre fuit vers Linterne
ou Venuse. L’Aufide a débordé, trop plein
de morts et d’armes. La foudre au Capitolin
tombe, le bronze sue et le ciel rouge est terne.

En vain le Grand Pontife a fait un lectisterne
et consulté deux fois l’oracle sibyllin;
d’un long sanglot l’aïeul, la veuve, l’orphelin
emplissent Rome en deuil que la terreur consterne.

Et chaque soir la foule allait aux aqueducs,
plèbe, esclaves, enfants, femmes, vieillards caducs
et tout ce que vomit Subure et l’ergastule;

tous anxieux de voir surgir, au dos vermeil
des monts Sabins où luit l’oeil sanglant du soleil,
le Chef borgne monté sur l’éléphant Gétule.

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Le tombeau du conquérant

A l’ombre de la voûte en fleur des catalpas
et des tulipiers noirs qu’étoile un blanc pétale,
il ne repose point dans la terre fatale;
La Floride conquise a manqué sous ses pas.

Un vil tombeau messied à de pareils trépas.
Linceul du Conquérant de l’Inde Occidentale,
tout le Meschacébé par-dessus lui s’étale.
Le Peau-Rouge et l’ours gris ne le troubleront pas.

Il dort au lit profond creusé par les eaux vierges.
Qu’importe un monument funéraire, des cierges,
le psaume et la chapelle ardente et l’ex-voto?

Puisque le vent du Nord, parmi les cyprières,
pleure et chante à jamais d’éternelles prières
sur le Grand Fleuve où gît Hemando de Soto.

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Les conquérants

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
fatigués de porter leurs misères hautaines,
de Palos de Moguer, routiers et capitaines
partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
et les vents alizés inclinaient leurs antennes
aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
l’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
enchantait leur sommeil d’un mirage doré;

ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
ils regardaient monter en un ciel ignoré
du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

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